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Cartographie IGN versus OSM (Open Street Map)
C'est une question que l'on est souvent amené à se poser : doit-on utiliser une cartographie IGN ou bien d'origine OpenStreetMap ?

Sans doute que la question ne se poserait pas vraiment si l'accès à la cartographie IGN était totalement gratuite. Mais ce n'est pas toujours le cas.
Via des sites comme Geoportail, ou IGNrando, on a accès à l'essentiel (cartographie topographique et orthographique) mais pour un usage en particulier dans un logiciel embarqué (sur ordinateur, sur smartphone ou récepteur GNSS dédié), elle est le plus souvent payante (soit par achat, soit par abonnement).

La cartographie OSM est gratuite, basée sur un projet collaboratif. Elle couvre toute la planète, contrairement à l'IGN limité à la France.

A noter quand même qu'une partie de la cartographie IGN est accessible gratuitement (avec un volume de données limité) grace à des "clés de service" que l'on peut acquérir via l'espace professionnel de l'IGN, tout en étant un particulier. Cela est plus utile dans le cadre d'un site Web comme celui-ci que pour un usage sur un récepteur GNSS, qui n'a pas forcément accès à Internet en temps réel.

Je vais ici aborder le sujet dans le cadre d'un usage en randonnée pédestre (ou bien raquettes à neige, ou ski de randonnée), et m'en tenir à la France.

Concernant le réseau routier, la cartographie OSM est très bonne et très largement suffisante et performante pour être utilisée sans désavantage notoire à mon avis.

Concernant la randonnée, on s'intéresse aux "sentiers" principalement, et nous allons voir quelques comparaisons.

La cartographie, ce n'est pas que celle des réseaux, il faut aussi voir ce qu'il en est de l'habitat et du patrimoine construit (de ce point de vue, la cartographie OSM est très bonne), mais aussi de la topographie (rivière, forêt, montagne, zones rocheuses, ravins, …) qui est très importante en randonnée (voire indispensable : par exemple, en montagne, connaitre la présence d'une barre rocheuse sur un itinéraire, ou d'un ravin, est absolument indispensable, et encore plus l'hiver où elles peuvent être invisible à cause de l'enneigement).
Concernant ce dernier point (topographie), les cartes OSM sont totalement dépassées par les cartes IGN, et ne sont pas en passe de devenir d'aussi bonne qualité. Ce n'est même pas une question de temps, simplement, le projet OpenStreetMap n'est pas à même dans sa forme actuelle d'y parvenir.

Les cartes IGN sont de très grande qualité et d'une très grande précision, lorsqu'il y a un problème (par exemple un sentier qui n'apparait pas, ou bien qui figure sur la carte mais n'existe plus), ce n'est "qu'un" problème de mise à jour : connaissance de la correction à appliquer et délai de mise à jour.
Concernant la connaissance, tous le monde peut contribuer via le site Geoportail pour signaler les inexactitudes, qui sont (j'en ai l'expérience) souvent reportées assez rapidement (quelques jours) sur le fond de carte dit "J+1" de l'IGN. Par contre, la mise à jour sur les cartes ScanExpress demande environ 6 mois (c'est la fréquence des mises à jour de ce fond), et sur les cartes topographiques (la classique "carte IGN au 1/25000e), il faut plusieurs années (c'est à dire le rythme des éditions papier).
De ce point de vue, les cartes OSM sont beaucoup plus réactives, quelques jours seulement pour celles en ligne. La contre-partie, c'est que les modifications (tout comme les contributions initiales) ne sont pas vérifiées… On fait confiance à la communauté pour corriger les erreurs (un peu comme Wikipédia), mais en ce qui concerne les sentiers, j'ai constaté que très peu sont vérifiés et une erreur peut perdurer à l'infini si on ne s'y colle pas soi-même.

En fait concernant les sentiers sur les cartes OSM, cela dépend beaucoup de comment ils ont été saisis. Certains l'ont été de façon assez exotique, juste une succession de segments qui donnent la direction générale, mais ne correspondent pas vraiment à l'emplacement exact du sentier sur le terrain. Certains sont très précis, avec une correspondance très bonne avec les vues aériennes. Pour beaucoup, c'est souvent approximatif. Une des raisons au moins est que la plupart sont tracés à partir de traces GPS déposées sur le site OpenStreet. Et ce n'est pas forcément celui qui a déposé la trace enregistrée qui va faire le tracé vectoriel du sentier. Et de plus, celui qui élabore le tracé ne vérifie pas, ne serait-ce qu'avec les vue aérienne, la correspondance. Du coup, on se retrouve avec un sentier sur la carte dont l'emplacement est aussi précis que l'enregistrement du GPS, c'est à dire qu'il comporte toutes les erreurs inhérentes à ce type de récepteur d'usage amateur. Ce procédé peut même conduire (je vais en donner exemple ci-dessous) à ce que quelqu'un dépose une trace GPS sur le site, et que, sans doute un autre, élabore le tracé d'un sentier sur la cartographie OSM, alors qu'en fait, l'enregistrement était fait "hors sentier". En bref, on se retrouve avec un sentier indiqué sur la carte, mais qui n'existe pas.

Mais je ne veux pas non lus trop noircir le tableau; j'utilise régulièrement la cartographie OSM pour trouver, ou confirmer, des sentiers qui ne sont pas présents sur les cartes IGN. En général, parce qu'il sont assez récents et il faudra des années avant que les cartes IGN les référencent. J'ai constaté par exemple que les VTTistes ouvrent des chemins, et contribuent beaucoup à les faire connaitre et me permettent de trouver des sentiers nouveaux.

Trêve de discours, je vais donner ci après des exemples concrets plus parlant :
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Voici d'abord un exemple de la différence concernant la topographie : au dessus à gauche, une carte OSM (OpenAndroMap pour la représentation ici, mais le résultat est le même quelque soit le style utilisé), et à droite, la même portion en carte IGN Topo25.

C'est un sentier que je connais bien, au dessus de Pralognan, entre le Col Noir et le Col Rosset. Cette portion est délicate, en particulier par temps de pluie, et encore plus s'il reste un névé résiduel, car le sentier affleure d'un coté une paroi verticale, et en aval du sentier très peu large (il y a même un cable en main courante au niveau de la partie avec la flêche rouge), quelques mètres herbeux très raides suivis d'un à-pic de plus de 200m. Autant dire qu'une glissade aurait de fortes chances d'être mortelle.

Sur la carte IGN, en lisant bien, on peut déduire grace aux détails topographiques que ce passage se situe à flan entre une barre et un ravin.

Sur la carte OSM, on peut croire à un "simple" sentier balcon, sans difficulté ni danger particulier.

J'ajoute ci à coté une vue aérienne très parlante et qui permet de bien voir le lieu.
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Voici un deuxième exemple similaire : ce sommet (Ouille du Midi, au dessus de Bonneval s/Arc) est accessible pour un bon randonneur. Il y a une trace de montée, mais il faut quand même signaler le parcours escarpé, et il est très conseillé de ne pas s'égarer, la partie finale n'étant pas très éloignée de pentes quasi à pic. La cartographie OSM (style OpenTopo ici) laisse bien imaginer des pentes raides, mais sans plus concernant le relief auquel il faut s'attendre. La carte IGN topo25 est elle très explicite;, et la vue aérienne montre bien que nous sommes en terrain très alpin !

Je pourrais multiplier ces exemples à l'infini. Ce n'est pas utile, il faut juste admettre que la cartographie OSM ne permet que très peu ou pas du tout de déduire les difficultés ou les dangers d'un parcours montagneux.
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Ici, avantage OSM : en haut, deux extraits de cartes IGN (Topo25 et ScanExpress plus à jour). On y voit un sentier pour monter à la pointe de Lanserlia, mais c'est tout, descente par le même itinéraire.
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En dessous, extrait de la même zone sur carte OSM, qui montre un sentier qui permet de redescendre pour un autre chemin (direct vers le Plan du Lac). C'est exact, ce sentier existe bien, et la seule lecture de la carte OSM permet de savoir qu'on pourra envisager un parcours en traversée en non pas en aller retour.

C'est pourquoi, quand je cherche des parcours, j'utilise toujours la carte IGN et aussi la carte OSM pour voir s'il n'y aurait pas des variantes possibles.
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Ici, trois extraits de cartes IGN Topo25, IGN ScanExpress, et OSM OpenTopo : le sentier qui contourne la pointe sur les deux cartes IGN n'est pas présent sur la carte OSM. Et c'est OSM qui a raison : il a existé, mais doit être à l'abandon depuis très longtemps (il déboucherait sur une propriété privée et buterait sur un mur de pierre).

ICI, IGN n'a pas été (re)mis à jour depuis très longtemps sur cette portion.

Même problème de mise à jour ci-dessous pour l'IGN : suite à effondrement de falaise, le sentier qui débouche sur "Martin Plage" n'existe plus (il faut contourner par la route). Et de plus, la carte Topo25 IGN y indique toujours le GR34 ! Ce sentier à été coupé il y a près de quinze ans sans que la dernière mise à jour de la carte Topo25 n'en tienne compte…
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Et ci-après, deux exemples où les cartes IGN ne signalent pas la présence de sentiers en montagne.

Dans le premier cas, depuis les lacs de l'Eychassier, d'après la carte IGN, il n'y a pas d'autre accès que par le col, la carte OSM documente un sentier au départ de la vallée en sus (en fait, il y a a même deux, la carte OSM est plus complète, mais incomplète aussi…).

Dans le second, la cartographie IGN ne renseigne pas le sentier (bien réel) vers la Brêche de Ruine et le lac d'Asti, contrairement à la carte OSM qui est plus précise en l'occurence.
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Après ces exemples où la cartographie OSM se révèle utile pour fournir des indications sur des sentiers non référencés sur la cartograhie IGN, d'autres exemples au désavantage de l'OSM :
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Ici, des exemples typiques de tracés OSM faits à partir d'enregistrements GPS imprécis.

Les fonds de certes sont IGN ScanExpress et IGN orthographiques, et les tracés en rouge correspondent aux tracés de sentiers OSM généré avec un logiciel de routage tel que BRouter.

Certes, la direction générale est correcte, et l'erreur par rapport au tracé idéal n'est pas de nature à induire en erreur, mais force est de constater que le tracé n'est pas exact, contrairement au tracé IGN (ScanExpress ici) qui est exactement correspondant à la vue aérienne.

Les exemples de ce type sont monnaie courante, j'en montre deux, je pourrais en montrer des centaines et plus et sur des longueurs de tracés bien plus importantes (les exemples montrés couvrent des petites distances pour rester lisibles, mais en général, c'est imprécisions courent sur des kilomètres).
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Les fonds de cartes sont IGN ScanExpress et IGN Orthographiques. En rouge, les tracés des sentiers d'après la base OSM.

Le tracé OSM a été fait de façon très sommaire, et de plus, le dernier segment (qui part du rocher Villeneuve, au dessus de Pralognan) va n'importe où : il "survole" approximativement une arête rocheuse pour se terminer au dessus du vide… ne prévoir cette dernière partie qu'en parapente…
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Là, on peut considérer que le tracé OSM conserve l'orientation générale, certes, mais quand même… est-ce du "bon travail" que de créer des tracés aussi bâclés ?
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Et là, c'est encore pire dans le genre tracé approximatif : le véritable sentier (qui comme dans le cas précédent est parfaitement tracé sur la cartographie IGN) se situe sur une crête (la Crête du Mont-Charvet, au dessus de Pralognan), et à coté du sentier, crête escarpée oblige, c'est le vide… le tracé OSM est assez incompréhensible ici, avec un écart de près de 50m et passant dans des parties à pic.
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Baclé aussi cette portion montant au Col Vieux (c'est juste une petite portion, mais c'est comme ça depuis le bas…). En gros, celui qui a fait le tracé devait se douter que le sentier faisait des lacets, mais arriver à être à ce point en opposition de phase quasi générale entre les virages… Je fais aussi l'hypothèse qu'il s'agit d'un tracé OSM fait à partir d'une trace GPS de ski de rando, ça expliquerait que ça ne correspond si peu avec le sentier d'été… Mais alors, preuve supplémentaire que reporter sans analyse les enregistrements GPS pour en faire des sentiers n'est pas forcément correct.
Et maintenant, un exemple du pire : un tracé de sentier sur carte OSM, sans doute élaboré lui aussi à partir d'un enregistrement GPS déposé dans la base, qui ne correspond à aucun sentier réel. Et ce n'est pas anodin, parce qu'il s'agit d'un "itinéraire" montagne, certes praticable, mais que je déconseille assez fortement à celles et ceux qui ne sont pas très aguerris aux parcours hors sentiers et escarpés montagnards.
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En rouge, le tracé de ce "sentier" sur fond de carte OSM (style OpenTopo ici), et ci-après, quelques portion très en détail pour bien montrer qu'il n'y à rien au passage indiqué (nous sommes dans la caillasse ou des barres rocheuses sur des pentes à plus de 30°…).

Il figure une "voie", mais absolument pas un sentier !
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Alors, certes, il y a des sentiers qui ne sont pas indiqués sur cartes IGN, mais ceux qui le sont sont vérifiés. Indiquer un sentier qui n'existe pas sur un itinéraire dangereux, c'est mal… Cela démontre les limites des projets collaboratifs sans vérifications a priori de ce qui est publié.
Alors, ma conclusion, au moins partielle :

Pour la randonnée, la cartographie IGN en France est la meilleure possible (c'est une des meilleure au Monde, si, si…).
Il y manque certains sentiers, les mises à jour demandent de longs délais, mais on ne peut pas s'en passer complètement.

La cartographie OSM est un excellent complément pour y trouver des sentiers (à priori récent) qui ne sont pas référencés sur cartes IGN.
Mais seule, la cartographie OSM est trop peu précise pour ses tracés. En montagne, cela peut même être problématique. Et les cartes OSM sont extrêmement distancées par les cartes IGN en ce qui concerne la précision des informations topographique (relief, …). Sur ce dernier point, ce n'est pas une question de temps, c'est tout simplement que c'est en dehors des possibilités actuelles du projet OSM.

Au moins trois problèmes importants dans la méthodoligie de l'OSM, c'est à mon avis :
- faire des tracés de sentiers à partir de relevé GPS non corrigés (donc aussi imprécis qu'un enregistrement GPS amateur) ; ce problème est amplifié par le fait que ce peut très bien être une autre personne que celle à l'origine des enregistrement GPS qui fasse le tracé, donc, en fait, en totale méconnaissance du sentier créé !
- laisser opérer des contributeurs qui très manifestement proposent des tracés qui ne sont que des ébauches qui ne correspondent à rien d'exact sur le terrain ;
- le manque de vérification/validation des contributions avant publication ;

Personnellement, j'utilise la cartographie IGN comme référence, la cartographie OSM en complément si je cherche un sentier où je voudrais qu'il y en ai un, et également si c'est possible (en dehors des zones boisées), les cartes orthographiques IGN (vues aériennes) qui fourmillent de détails et montrent bien des sentiers qui ne sont documentés nul part.
Cartographie IGN versus OSM (Open Street Map)