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De la précision des récepteurs GNSS (1)
Il y a peu, lors d'une randonnée, une amie me dit : "Dimanche, à la fin de la randonnée, untel m'a dit qu'on avait fait plus de 1000 m de dénivelé". Je lui ai fait part de ma plus que surprise, essayant de lui dire que cela ne me semblait pas véritablement possible (c'est une randonnée en Côtes-d'Armor que je connais très bien), que l'erreur ne pouvait que provenir d'une mauvaise interprétation des données fournies par le GPS.

Dans cet article, je vais tenter de détailler ma réponse, éléments de démonstration à l'appui.
NB : la technique évoluant rapidement sur ce sujet, un second article prolonge celui-ci, avec des informations révisées par rapport à celles ici détaillées, je vous invite à le consulter après lecture de celui-ci : "De la précision des récepteurs GNSS (2)"
Un GPS n'est qu'un instrument…

Un GPS est un instrument de mesure, qui affiche des données. Il est important de comprendre ces affichages, afin de les interpréter correctement, et aussi, régler son GPS correctement (les GPS de randonnée actuels ont un nombre de réglages très important, qui tous influent notablement sur les mesures, et donc leur interprétation).
La précision du GPS

Pour ce qui est du fonctionnement détaillé du système GPS, voir par exemple l'article suivant Wikipédia.

En résumé rapide, le principe de positionnement du système GPS consiste à mesurer la distance de l'observateur (l'instrument GPS en sa possession) et des satellites, et à faire un calcul de triangulation (calcul très complexe, des dizaines de paramètres, et l'équation est relativiste en plus). Il faudra au moins trois satellites "visibles" pour un positionnement horizontal, et au moins quatre pour avoir l'altitude en plus. Plus on reçoit de satellites, meilleure est la précision.

Si la mesure de la distance est imprécise, le résultat (la position fournie) est lui aussi imprécis.

Les causes d'imprécisions sont entre autre :
  • les délais de propagation qui varient en fonction de l'état de la haute atmosphère terrestre (ionosphère et troposphère) ;
  • les réflexions du signal reçu (grands bâtiments, parois rocheuses, …) ;
  • les erreurs orbitales du satellites ;
  • l'imprécision de l'horloge embarquée dans le satellite ;
  • le nombre de satellites visibles ;
  • la géométrie de la "constellation" visible de ceux-ci ;
  • l'âge du Capitaine ;
  • sans oublier la dégradation volontaire (nommée "disponibilité sélective", ou SA dans les documentations) apportée par le propriétaire / gestionnaire des satellites : en effet, et en particulier pour le GPS américain et le Glonass russe, ces systèmes ont une vocation principale militaire (guidage de missiles de croisière et autres "bombes intelligentes" par exemple), et ces mêmes militaires peuvent très bien modifier la qualité des signaux civils afin d'assurer leur supériorité (étant entendu que les fréquences militaires sont cryptées et non accessibles).
Au final, la meilleure précision horizontale courante du GPS en utilisation civile et portable (et à coût raisonnable) se situe entre 3m et 5m, et peut passer "facilement" à plus de 20 m en conditions difficiles (voire perte de position si réception trop faible). En positionnement vertical (altitude), cette précision dans la pratique est le plus souvent plus mauvaise d'un facteur 3 à 10 à la précision horizontale.
Pour illustrer cela, voici quelques exemples :

Il existe une abondante littérature sur Internet pour en savoir plus sur la précision du GPS, ses causes, ses effets. Je vais plutôt ici donner quelques exemples parlant afin de montrer qu'il est indispensable de bien interpréter les données lues et traces enregistrées afin d'en tirer des valeurs correctes (qui ne sont très souvent pas celles affichées).
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Ici, cette image d'un tracé est celle d'un GPS en position statique pendant une heure, à l'intérieur d'une maison, sous les combles. Cela simule assez bien un GPS qui serait utilisé en condition de réception plus difficile, par exemple en sous-bois ou en vallée encaissée, c'est à dire avec une réception atténuée des satellites, ou bien partielle compte-tenu de parois latérales.

Il est facile de comprendre que en théorie, le déplacement devrait être nul, et le dénivelé également puisque l'appareil ne bouge pas.
Et pourtant… on mesure en une heure un déplacement de 1,2 km, et un dénivelé cumulé brut de plus de 400 m !

On voit un écart moyen par rapport à la position réelle de plus de presque 10 m, avec une excursion de 30m en latitude et près de 20 m en longitude. En altitude, l'erreur est d'environ plus ou moins 35 m.

En l'occurence, le GPS avait été réglé pour enregistrer les altitudes en provenance des satellites, et non pas du baromètre ou modèle altimétrique DEM. Je reviens sur les réglages "optimum" en fin de cet d'article.

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Ici, les conditions sont globalement les mêmes que pour l'enregistrement précédent, à l'exception que le GPS a été installé (toujours sans bouger) à l'extérieur, dans un espace dégagé, les conditions de réception sont au mieux.

On voit un écart moyen à la position réelle quasi parfait, une excursion d'environ 16 m en latitude et 9 m en longitude (soit la moitié de ce qu'on relevait dans l'expérience précédente).

Pour l'altitude, le dénivelé cumulé brut est d'un peu plus de 100 m (soit 4 fois moins), avec un intervalle d'erreur positive ou négative cependant identique, à plus ou moins 35 m.
Ceci confirme, que même en condition optimum de réception, l'altitude relevée à l'aide des seules données satellites est bien d'environ 10 fois moins précise (30 m) que la précision horizontale.

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Pour cette troisième expérience, deux GPS sont utilisés simultanément, en condition réelle lors d'une randonnée. L'enregistrement ici affiché isole ce qu'il se passe au moment d'arriver, rester et repartir du lieu de pique-nique (pause de 50 mn). Les deux GPS sont côte à côte, sur le dessus du sac à dos, lui-même appuyé sur un mur d'enceinte (une situation on ne peut plus ordinaire) et ne bougent plus durant le repas.

Le premier, tracé en bleu, a été mis en pause à l'arrivée, et redémarré au départ. Son tracé est régulier, le lieu d'arrêt correctement situé, une seule fois. Rien à redire.

Le second, tracé en rouge, n'a pas été mis en pause. Durant cet arrêt, il se comporte comme lors des deux premières expériences, c'est à dire qu'il enregistre les variations dues aux erreurs de positionnement fluctuantes du GPS. Et l'on voit qu'il a enregistré un déplacement cumulé de 486 mètres durant le repas.
Si le GPS n'est pas correctement réglé, et s'il n'est pas mis en pause pendant les arrêts prolongés, on va avoir une distance parcourue en fin de randonnée qui sera exagérée de plusieurs centaines de mètres, voire de plus d'un à deux kilomètres selon les cas. Et de même pour le dénivelé cumulé.

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Ici, trois GPS sont utilisés simultanément. Seul celui de la trace en jaune a été mis en pause pendant l'arrêt pique-nique. Nous sommes sous des arbres, les tracés rouge et bleu parlent d'eux-mêmes…

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Cet exemple montre que quand les conditions de réception sont correctes, avec des GPS bien réglés, les écarts aussi bien à la route qu'entre eux restent dans la limite des 3 mètres "théoriques" avec ce genre d'appareil.

Mais il faut des conditions de réception optimum, c'est à dire ciel dégagé, environnement non-montagneux, en dehors de vallée encaissé, et en dehors de la couverture végétale (forêt).

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Ici, les traces sont relevées au cours de la même randonnée, avec les trois mêmes GPS, mais dans un vallon encaissé, et sous couvert d'arbre.

Si les directions sont concordantes, on constate des écarts à la route divers, et en particulier, les trois appareils donnent trois traces pouvant être distantes d'une vingtaine de mètres (et dans la pratique, puisqu'il y a une rivière au fond du vallon, à un moment l'un des GPS nous positionne au milieu de la rivière, et l'autre sur la mauvaise rive !).

L'erreur de positionnement atteint jusqu'à 20 m, c'est en général ce à quoi il faut s'attendre en conditions de réception plus difficiles.

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Ce troisième extrait de cette randonnée illustre très bien l'influence des conditions de réception des GPS : en sous-bois, ils divergent (jusqu'à près de 20 m), en sortant du bois, on utilise une portion de sentier dégagée, les trois GPS convergent et sont notablement plus précis, et dès qu'on rentre à nouveau sous couvert de la forêt, les tracés sont à nouveau bien moins précis.

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A propos de la précision du GPS concernant l'altitude, et en particulier lorsqu'il est réglé pour enregistrer celle fournie par les satellites (à l'opposé d'une mesure barométrique), cet exemple me semble parfait !

Ici, j'ai enregistré une trace lors d'une séance de pêche à pied (à la coquille St-Jacques). Je montre le tracé sur une carte marine pour mieux rendre compte, j'évolue entre environ 6 m et 1m (hauteurs marines et non terrestres, mais le différentiels reste le même). Sur une distance de 8 km, le GPS me situe entre 39 m et 68 m d'altitude, donc une excursion de 29 m (en plus d'une erreur absolue de plus de 30 m), et sur 8 km à raison d'un points toutes les 2s, le dénivelé cumulé brut atteint 1033 m ! Et même avec un calcul de compensation, on ne s'en sort pas, le dénivelé "corrigé" reste à près de 250 m. Le véritable dénivelé positif est de 5 m (je suis sur le sable sur l'estran, pas de "montagnes russes" ici).

Confirmation donc que la précision du GPS en altitude est plutôt moins bonne que 30 m, et que la variation cumulée conduit à des dénivelés absolument incohérents. Il ne faut pas utiliser l'altitude fournies par les satellites pour le calcul de dénivelés si on dispose d'un capteur barométrique dans son GPS, et sinon, privilégier l'altitude d'une carte DEM.

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Cet extrait de trace illustre l'effet d'une perte temporaire de couverture complète (moins de quatre ou même moins de trois satellites). Le tracé s'écarte de la route jusqu'à près de 100 m, avant d'y revenir au bout de quelques secondes (rétablissement de la réception).

Si on n'y prend pas garde, la distance de la randonnée aura un excédent de 200m rien qu'à cause de cet "incident".

Cette perte de réception est intervenue dans le fond d'un ravin, entouré de parois assez haute, masquant une bonne partie du ciel (en l'occurence, pont sous le Glacier Blanc, sur le sentier du refuge pour celles et ceux qui connaissent).

En guise de conclusion…

Pour en tirer des enseignements, je dirais que selon mon expérience :
  • les erreurs de positionnement, aussi bien horizontal que vertical, sont de très basse fréquence (vitesse lente), et que donc, la conséquence est diverse selon qu'on mesure la distance parcourue (horizontale) ou le dénivelé cumulé (vertical).
  • en terme de distance, la conséquence est limitée tant que le GPS est en déplacement (comme l'erreur est lente, la distance totale, écart à la route ou pas, est peu influencée, le tracé est "quasi parallèle").
  • l'erreur de distance d'une trace GPS est limitée à moins de 5% de la distance totale d'une randonnée, à la condition expresse de mettre le GPS en pause lors des arrêts prolongés.
  • en terme de dénivelé cumulé, la conséquence est très différente selon qu'on soit en montagne (progression en altitude régulière) ou en "plaine" (progression en altitude avec de nombreuses montées-descentes). En montagne, la conséquence reste limitée (idem erreur sur la distance). En "plaine", l'erreur sur le dénivelé cumulé peut devenir très importante, jusqu'à être double ou plus de la réalité ! A ce propos, lire cet autre article qui traite de la notion d'altitude et de dénivelé.

En ce qui concerne les réglages du GPS, et si le votre accepte ceux que je vous propose :
  • pour la mesure de l'altitude : installer un fichier DEM à résolution d'une seconde d'arc (source SRTM par exemple), et régler le GPS pour mesurer l'altitude à l'aide du baromètre intégré, compensé par le fichier DEM ;
  • si pas de baromètre (altimètre barométrique), qui est le cas le plus fréquent pour un smartphone, n'utiliser que le fichier DEM. Ou éventuellement, essayer l'altitude GPS compensé par le fichier DEM, et vérifier si cela est meilleur ;
  • ne pas faire confiance outre mesure à l'altitude GPS seule ;
  • TOUJOURS penser à calibrer l'altitude au départ de la randonnée, la calibration à partir du fichier DEM étant la plus fiable et précise ;
  • concernant l'intervalle de mesures, si c'est possible, privilégier le mode "distance" plutôt que "intervalle de temps". Une distance de 3 m me convient bien. Cela veut dire que le GPS n'enregistre un nouveau point que s'il mesure un écart d'au moins 3 mètres par rapport au précédent. Cela permet de filtrer les petites erreurs, et limite la taille du fichier d'enregistrement généré.
Concernant les traces téléchargeables sur ce site, les tracés sur carte n'ont normalement pas d'écart à la route supérieurs à 3 m à 5 m, même moins. Les traces enregistrées sont "normalisées" à 1000 points, et avec l'altitude régénérée à partir d'un fichier DEM d'origine SRTM à 1 seconde d'arc (maillage d'environ 25m de coté), et nettoyée si possible des points aberrants.

Pour terminer, la randonnée évoquée au début de cet article comporte un dénivelé cumulé "compensé" (meilleur proche du réel) de moins de 500 m, soit une erreur du double par rapport à celui qui a été annoncé à mon amie à la fin de la journée. Il est important lorsqu'on utilise un GPS de rester critique par rapport aux données et mesures affichées. Moyennant cette précaution, cet appareil est quand même sacrément génial… 😃
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